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■ Rozsdás szárnyakkal
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2015-10-24
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Lorsque j’ai eu la possibilité d’exaucer mon rêve, je me suis rendu compte que même les passions vieillissent.
Je ne sais pas si je peux prétendre avoir su ce que j’attendais de la vie. Les fausses cibles, ainsi que mes enthousiasmes naïfs, ont été bien présentes dans ma vie. On n’a jamais eu assez d’imagination pour se représenter le monde sans sa propre personne. Même si tu n’es pas allé, avec la vanité, jusqu'au point paranoïaque de croire que le monde tourne autour de toi et que ce même monde est impatient d’entendre tes dites, tu n’as pas eu, quand-même, l’intelligence ou la force d’accepter que tu ne représentes pas plus que des photos jaunies, dont quelqu'un, après toi, va les jeter à la poubelle. Nous ne jouons pas seulement pour les autres la comédie à vouloir paraître meilleurs que dans la réalité. Nous en jouons aussi pour nous-même. Presque toutes mes certitudes sont aujourd'hui criblées par toutes sortes de doutes, comme si c’étaient des habits rongés par des mites, il est difficile d’en nommer un resté intact. Il n’y a pas de bonheur sans que tu ne t’en souviennes pas avec tristesse. Le passé vit, il est bien vivant, il fait partie du présent, il l’influence et il change en fonction de ce qui nous arrive dans la vie. Plus tard devenait trop tard. J’ai commencé à me rendre compte que, d’un acteur sur la planche de la vie, je devenais un figurant. La mémoire se rappelle même de l’oubli. Ce n’est que les souvenirs qui me font encore croire que l’été reste la saison de mon destin. On doit labourer quand c’est le temps de labourer, et non quand on en a envie. Je suis arrivé, aujourd'hui, à n’avoir que des doutes et ne plus lever les yeux vers le ciel que pour savoir quand je dois prendre le parapluie. Pour moi, le ciel était devenu ce qu’il représente pour tout Bucarestois. Quelque chose de dépourvu du moindre frisson métaphysique, d’un bleu banalement décoloré, sali par la fumé des fabriques, l’endroit d’où, lorsqu'il se couvre, les pluies tombent et remplissent la ville de flaques d’eau. Resté seul, je voulais retrouver les autres. Quand je les retrouvais et n’arrivant pas à m’intégrer dans l’atmosphère, je préférais rester seul. Tout ce que nous perdons, nous le perdons pour toujours. Ce que nous ne vivons pas à temps, nous ne le vivrons plus jamais. Le cheval troyen était depuis longtemps dans les rues de Rome. Il était représenté par les vices, la corruption, le despotisme sanglant, les cyniques de toutes sortes et, pas en dernier, par la résignation. Probablement, il faut perdre quelque chose pour que tu en fasses une allure sentimentale. N’importe quel paradis ne peut être qu’une grande simplicité. J’ai toujours eu besoin d’un mur sur lequel m’appuyer. Quand il était absent, je perdais mon sang-froid. Une vie médiocre peut être justifiée. Surtout dans un monde médiocre. Mais la médiocrité des illusions n’a aucune excuse. Rien ne nous arrête de rêver sans réserve. Puis-je, vraiment, regarder dans le miroir cassé de ma mémoire sans crainte de rater justement ce que je ne voudrais pas rater? J’ai appris qu’il existe une langue parlée par un seul homme. Mais avec qui discute-t-il? La forme la plus subtile de présenter la réalité n’est que la banalité. Dieu a créé le monde d’une telle manière, pour que les regrettes arrivent, presque toujours, trop tard. Mourir, c’est déménager dans une étoile. Dieu a créé l’homme, par contre il a laissé au diable le finissage, mais le diable n’a pas la juste mesure. Le passé? Il ne me semble pas être autre chose qu’un langage. Trop attentif aux détailles, je ne risque pas vraiment d’échapper l’essence des choses? *traduit du roumain – extraits du volume Autoportret într-o oglindă spartă – Octavian Paler
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