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■ Rozsdás szárnyakkal
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2015-09-23 | [Ezt a szöveget a következ. nyelven kell olvasni francais] | Könyvtárba beírt Guy Rancourt
– I –
On n’avait pas fini de ne plus se comprendre On avançait toujours à se perdre de vue On n’avait pas fini de se trouver les plaies On n’avait pas fini de ne plus se rejoindre Le désir retombait sur nous comme du feu Notre ombre invisible est continue Et ne nous quitte pas pour tomber derrière nous sur le chemin On la porte pendue aux épaules Elle est obstinée à notre poursuite Et dévore à mesure que nous avançons La lumière de notre présence – II – On s’est tous réunis dans le milieu du temps On a tout réuni dans le milieu de l’espace Bien moins loin du paradis que d’habitude On s’est tous réunis pour une grande fête Et l’on a demandé à Dieu le Père et Jésus-Christ Et au Saint-Esprit qui est la Troisième Personne On leur a demandé d’ouvrir un peu le Paradis De se pencher et de regarder Voir s’ils reconnaissaient un peu le monde Si cela ressemblait un peu à l’idée qu’ils en ont Si ce n’était pas bien admirable ce qu’ils en ont fait Ceux qui sont venus avec une âme du bon Dieu Avec des yeux du bon Dieu Pour faire un bouquet pur avec le monde – III – La terre était dans l’ombre et mangeait ses péchés; On était à s’aimer comme des bêtes féroces La chair hurlait partout comme une damnée Et des coups contre nous et des coups entre nous Résonnaient dans la surdité du temps qui s’épaissit Voilà qu’ils sont venus avec leur âme du bon Dieu Voilà qu’ils sont venus avec le matin de leurs yeux Leurs yeux pour nous se sont ouverts comme une aurore Voilà que leur amour a toute lavé notre chair Ils ont fait de toute la terre un jardin pré Un pré de fleurs pour la visite de la lumière De fleurs pour la présence de tout le ciel dessus Ils ont bu toute la terre comme une onde Ils ont mangé toute la terre avec leurs yeux Ils ont retrouvé toutes les voix que les gens ont perdues Ils ont recueilli tous les mots qu’on avait foutus – IV – Le temps marche à nos talons Dans l’ombre qu’on fait sur le chemin Tous ceux-là, le temps et l’ombre sont venus Ils ont égrené notre vie à nos talons Et voilà que les hommes s’en vont en s’effritant Les pas de leur passage sont perdus sans retour Les plus belles présences ont été mangées Les plus purs éclats furent effacés Et l’on croit entendre les pas du soir derrière soi Qui s’avance pour nous ravir toutes nos compagnies S’en vient tout éteindre le monde à nos yeux Qui vient effacer en cercle tout le monde Vient dépeupler la terre à nos regards Nous refouler au haut d’un rocher comme le déluge Et nous prendre au piège d’une solitude définitive Nous déposséder de tout l’univers Mais voilà que sont venus ceux qu’on attendait Voilà qu’ils sont venus avec leur âme du bon Dieu Leurs yeux du bon Dieu Qu’ils sont venus avec les filets de leurs mains Le piège merveilleux de leurs yeux pour filets Ils sont venus par-derrière le temps et l’ombre Aux trousses de l’ombre et du temps Ils ont tout ramassé ce qu’on avait laissé tomber. – V – C’est seulement qu’on ne la voit plus Sa présence n’est plus éclairée Parce qu’elle a donné la main à toutes les ombres Nous ne sommes plus qu’une petite lumière enfermée Qu’une petite présence intérieure dans l’absence universelle Et l’appel de nos yeux ne trouve point d’écho Dans le silence de l’ombre déserte On passe en voyage au soleil On est un passage vêtu de lumière Avec notre ombre à nos trousses comme un chacal Qui mange à mesure notre mort Avec notre ombre à nos trousses comme une absence Qui boit à mesure notre lumière Avec notre absence à nos trousses comme une fosse Un trou dans la lumière sur la route Qui avale notre passage comme l’oubli. (Hector de Saint-Denys Garneau, Les solitudes)
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